Édito – L’ambition est plus présente que jamais
En 1980, Dolly Parton nous avait mises en garde à la sortie de sa chanson à succès « 9 to 5 ». À l’époque, une petite dose d’ambition suffisait à nous motiver. Mais, au fil des années, l’ambition féminine a essuyé plusieurs revers – plus récemment, la pandémie – qui semblent l’ont forcée à se redéfinir.
Comme le souligne habilement Amil Niazi dans un article récent du magazine The Cut, les gens n’ont jamais autant travaillé pour si peu et la majorité d’entre eux ne sont plus prêts à sacrifier leur bien-être afin de goûter au rêve américain qui s’effrite. Il y a un regain d’intérêt pour les relations, la communauté et la lenteur de la vie en dehors de la mentalité d’abus et d’obstruction du patronat au féminin. Rose-Aimée Automne T. Morin, une chroniqueuse et autrice québécoise, décrit ce changement de paradigme dans La Presse comme suit : «Qu’est-ce qui se passe avec nos aspirations professionnelles, coudonc?» [NDLR : coudonc est une interjection québécoise qui signifie la surprise et l’incompréhension]
Plusieurs médias se sont empressés d’annoncer la fin de l’ambition. Toutefois, renoncer à ses ambitions n’est pas la réponse. Après tout, il n’y a rien de plus humain que d’avoir des objectifs et des aspirations, c’est ce qui nous pousse à nous lever le matin. Alors, comment élargir la notion d’ambition pour qu’elle laisse place à l’épanouissement sans être freinée par les inégalités de genre et les modèles traditionnels? Comment définir des objectifs qui permettent aux femmes de se sentir accomplies, plutôt que freinées?
Nous aurons besoin d’une bien plus grande dose d’ambition.
En 2022, nous nous sommes associé.e.s au The Globe and Mail dans le cadre de leur initiative Women’s Collective afin de chercher à mieux comprendre la forme que l’ambition pourrait prendre. Nous avons commencé par jeter les bases : «Il s’agit de l’établissement d’objectifs et de la détermination à les accomplir. C’est le désir d’aller toujours plus loin. L’idée de se montrer à la hauteur de la situation et d’atteindre son plein potentiel perd du terrain, tandis que le respect et la reconnaissance par les pairs en gagnent.» Ensuite, nous avons sondé des participantes du programme Ambition Challenge de L’effet A, ainsi qu’un autre groupe de femmes au pays, afin de découvrir comment les Canadiennes redéfinissent la notion d’ambition.
La bonne nouvelle, c’est que l’ambition est plus en vie que jamais, et elle se porte bien. Toutefois, 30% des participantes au programme (et 20% des Canadiennes) indiquent que leur définition du succès a changé depuis la pandémie. En effet, leur ambition n’est plus seulement centrée sur le travail, elle est subjective et axée sur un domaine de leur choix, comme l’apprentissage, la réalisation d’objectifs, l’atteinte d’un équilibre travail-vie personnelle, le bonheur et l’apport d’une valeur ajoutée. Il ne s’agit plus seulement de gravir les échelons, mais de le faire dans un cadre sain, créatif et inspirant.
Essentiellement, cette définition élargie de l’ambition donne plus d’autonomie aux femmes dans l’atteinte de leurs objectifs, puisqu’elles peuvent choisir la façon dont elles vont les atteindre. On s’éloigne ainsi du carcan décrit dans la chanson «9 to 5». Même si les échelons demeurent, la nouvelle définition de l’ambition nous donne les moyens de participer activement à notre avancement, de gravir les échelons avec assurance, plutôt que de se sentir utilisé.e.s.
C’est aussi ce qu’indiquent les résultats de notre étude. Aujourd’hui, les femmes sur le marché du travail ont 1,7 fois plus tendance à prendre des mesures qui servent leurs objectifs professionnels. De plus, elles investissent davantage dans leur perfectionnement professionnel en sollicitant et en intégrant la rétroaction, en travaillant avec des formateur.trices et des mentor.es, et en établissant des plans de perfectionnement qui sont ambitieux et réalistes. Ces femmes ont 1,45 fois plus tendance à décrocher un emploi pour lequel elles ne répondent pas à 100% des critères, 2 fois plus tendance à demander à leur gestionnaire de leur déléguer des tâches et des responsabilités et, dans certains cas, ont 4 fois plus tendance à se fier à leur instinct pour prendre une décision, même si elle est à contre-courant.
Une simple dose d’ambition ne suffit plus. En 2023, les femmes vont avoir besoin d’une carafe pleine!