Le mentorat : une affaire intergénérationnelle

Le mentorat : une affaire intergénérationnelle

Pour la première fois, cinq générations cohabitent sur le marché du travail. De la génération silencieuse à la génération Z en passant par les baby-boomers, les X et les millénariaux, la diversité générationnelle est bel et bien une réalité. Comment celle-ci peut-elle nourrir les expériences de mentorat?

Bénéficier du soutien d’un mentor constitue une occasion en or de réaliser de précieux apprentissages. De leur côté, les professionnels expérimentés qui prennent un jeune sous leur aile y trouvent une excellente façon de redonner et de partager leurs connaissances.

Les femmes ont tout à y gagner, car d’un côté elles peuvent apprendre de leurs aînées qui ont tracé la voie avant elles, alors que ces dernières y puisent un souffle de dynamisme et de reconnaissance de leurs acquis. Trois femmes, toutes graduées du Défi Leadership, nous livrent leur témoignage et reviennent sur l’importance du partage entre générations.

Changer d’approche

Magali Marcheschi est ingénieure et maître d’enseignement au Département de mathématiques et de génie industriel de Polytechnique Montréal. Après avoir œuvré plusieurs années en industrie, elle a commencé à enseigner comme chargée de cours. «L’une des quatre professeurs titulaires de mon département a alors proposé d’être ma “marraine’’. Elle avait obtenu son titre d’ingénieure dans les années 1970 et était une figure connue dans son domaine. J’ai été à la fois surprise et flattée qu’elle veuille faire de moi sa protégée», se souvient-elle.

L’ingénieure confie qu’elle souffrait alors du syndrome de l’imposteur, se demandant sans cesse si elle était réellement à sa place. Grâce à sa mentore, elle a réussi à se défaire de ce fardeau et a pu progresser dans sa carrière universitaire, malgré les embûches qui n’ont pas manquées sur son chemin. «Elle m’a introduite auprès de son réseau et m’a poussée en avant. Elle m’a aussi expliqué les rouages du fonctionnement d’une institution universitaire et m’a montré comment aller chercher les bonnes ressources, être stratégique. Elle était toujours en mode solution et savait comment inclure toutes les parties prenantes», explique-t-elle.

Parce qu’elle avait dû se battre pour faire sa place dans un milieu où à l’époque les femmes étaient rares, sa mentore avait toutefois une approche plus musclée que celle de Magali Marcheschi. «Elle avait appris à défendre ses idées et pouvait se montrer assez sèche, manquer d’une certaine forme d’enrobage. Pour ma part, je n’avais jamais eu à affronter ce genre d’adversité ni à me questionner là-dessus. Il n’empêche qu’elle n’a jamais porté de jugement sur moi. Elle m’a aussi incitée à réfléchir et à faire de l’introspection, clarifier mes idées, me mettre en mode solution, éviter les confrontations d’idées et adopter plutôt une approche multipartite», souligne-t-elle. Elle ajoute qu’il existait d’ailleurs une belle réciprocité entre elles, car la jeune ingénieure lui donnait un coup de pouce en informatique et l’aidait à mieux comprendre les attentes des étudiants.

Contribuer au développement de la génération suivante

Violaine Des Roches est directrice principale de l’inspection auprès de l’Autorité des marchés financiers. Pendant deux ans, elle a été la mentore d’une collègue plus jeune, dans le cadre d’un ancien emploi.

Malgré l’écart d’âge – une vingtaine d’années – il n’y a pas eu de dissension entre elles. Au contraire, car toutes deux avaient dû lutter pour faire leur place dans l’environnement professionnel relativement masculin des institutions financières, même encore aujourd’hui. «L’approche est plutôt cassante dans ce milieu, alors que je privilégie l’empathie et le mode solution», indique Violaine Des Roches. 

Elle ajoute qu’être mentore a été très valorisant et lui a permis de contribuer en transmettant ses connaissances et son expérience. «Au début de ma carrière, j’aurai moi-même beaucoup aimé pouvoir bénéficier du soutien d’un mentor ayant 20 ans de plus que moi», dit-elle. Accompagner des professionnels à haut potentiel dans leur développement a constitué pour elle une belle source d’échange, mais aussi une façon de se projeter dans la génération suivante.

Diriger avec la tête et le cœur

Geneviève Giroux, vice-présidente approvisionnement et gestion de l’offre à la SQDC, a été mentorée pendant six ans par un professionnel de 30 ans son aîné. «Je venais de décrocher mon premier poste de direction et je me sentais lancée dans le vide. Je voulais élever ma pensée du micro au macro, travailler sur le volet politique et l’influence. Mon mentor avait occupé de très hauts postes dans des entreprises de grande envergure, mais il avait aussi suivi une formation en psychologie. Entre nous il y a eu un ‘’fit’’ tant professionnel que personnel», témoigne-t-elle. 

Y a-t-il eu des sources de friction entre eux?  «Cela arrivait parfois lorsqu’il me demandait d’apporter un changement ou de faire une prise de conscience. Je me braquais, j’avais besoin de prendre un temps de réflexion», résume-t-elle.

Grâce à lui, elle a appris à diriger à la fois avec la tête et le cœur, une approche presque holistique où chaque facette de sa personnalité à trouver sa place. «On peut développer son leadership, agir avec courage et faire valoir son point sans passer par la confrontation. Il est possible d’être à la fois une professionnelle, une femme et une mère. C’est le plus bel apprentissage qu’il m’ait permis de faire», souligne Geneviève Giroux. Une prise de conscience qui l’a aussi aidée à se libérer du sentiment d’imposteur qui l’habitait et à gagner en authenticité.

Qu’on soit mentore ou mentorée, cette relation privilégiée va assurément dans les deux sens et constitue un échange gagnant-gagnant. Grandir, se développer professionnellement, donner au suivant, contribuer, apprendre à se faire confiance, ne sont que quelques-unes des retombées positives de cette expérience enrichissante à tous points de vue.

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Author profile

Emmanuelle Gril

Autrice

À titre de journaliste pigiste, Emmanuelle Gril écrit pour plusieurs publications. Elle a eu l’occasion d’explorer de nombreux sujets, notamment ce qui touche à l’emploi et au monde des affaires, mais aussi à la gestion des finances personnelles.