Angélique Gérard : faire sa marque dans un monde d’hommes
Elle figure dans le palmarès des 40 femmes inspirantes du magazine Forbes France. Un honneur qu’il ne faut pas passer sous silence : les succès des femmes faisant encore trop peu la manchette, soutient la principale intéressée.
Parce qu’on aime tellement vous faire connaître les femmes ambitieuses qui inspirent le dépassement de soi, voici Angélique Gérard. Mère de trois enfants, cheffe d’entreprise, autrice, membre de comités exécutifs et de conseils d’administration, et business angel — ayant investi dans une vingtaine d’entreprises à ce jour! —, elle a fait sa marque dans les univers masculins du numérique et de l’investissement.
Nous lui avons posé quelques questions.
Angélique, vous évoluez dans des domaines à prédominance masculine (et pas qu’un peu — 95 % des investisseurs et des business angels en France sont des hommes), qu’avez-vous pu observer des principales difficultés rencontrées par les femmes?
Il ne se passe pas une journée sans que je constate une difficulté pour mes collaboratrices, mes amies et toutes les femmes que je connais. Et il n’existe pas de difficultés majeures et d’autres mineures en termes de sexisme; elles sont toutes importantes et à dénoncer. Les obstacles dans le monde du travail sont légion et de toutes sortes : discrimination à l’embauche, biais inconscients et préjugés, harcèlement, salaires inférieurs, carrière ralentie en cas de maternité, stéréotypes menant à des postes dits féminisés, manque de confiance et d’assurance dû à des mécanismes culturels, etc.
Il est désormais reconnu que l’univers du numérique, dans lequel j’évolue et qui est pourtant assez jeune, est gangrené par le sexisme, facteur de découragement pour les femmes. Les témoignages de victimes de discrimination se retrouvent partout : des écoles du numérique au monde des start-up, en passant par les entreprises de la tech. Il s’agit du domaine par excellence où le travail pour l’égalité doit être renforcé.
Est-ce en réponse à tous ces freins que vous avez décidé d’écrire votre livre Pour la fin du sexisme?
Certainement! C’est le résultat de mes expériences personnelles et professionnelles qui m’a orientée vers ce besoin d’écriture, de partage autour des combats féministes.
Professionnellement d’abord, car j’ai vécu et vis encore le sexisme — en plus d’être mise à l’écart —, mais aussi parce que le constat est flagrant au quotidien pour les femmes que je côtoie. On se confie à moi, on me sollicite et je suis ravie de confirmer à toutes ces femmes que je défendrai toujours cette cause dans le cadre de ma mission professionnelle.
Dans ma vie personnelle, le sujet du féminisme me touche également. Je pense notamment à ce a trait aux inégalités liées au domaine médical, au manque de budget alloué à la recherche concernant des maladies féminines comme d’endométriose. Le fait de devenir mère m’a aussi permis d’adopter un point de vue inédit. Ce désir d’éduquer ma fille et mes deux fils en transmettant des principes égalitaires s’est avéré bien plus difficile que je ne l’avais imaginé. J’ai réalisé l’urgence et l’intérêt d’une libération de la parole dans toutes les sphères de la société, de l’école à la maison, en passant bien sûr par les entreprises.
Vous figurez dans le palmarès des 40 femmes inspirantes du magazine Forbes France. Qu’est-ce que cette nomination représente pour vous?
Ce succès résonne comme une victoire pour nous toutes et pour la société entière! Cela signifie que la question des femmes intéresse de plus en plus les médias, et je pense — et j’espère —, que ce phénomène s’amplifiera au fil du temps, car il est central pour l’équilibre de nos organisations.
On connaît l’importance des Role Model dans la sphère professionnelle. Vous considérez-vous comme un modèle pour les femmes ambitieuses?
En tant que leader, je mesure l’importance de ma responsabilité. Je me suis battue pour faire ma place, et je me bats encore au quotidien pour la conserver. Je suis consciente du pouvoir dont je bénéficie et je crois qu’il est de mon devoir d’user de cette notoriété pour tirer notre cause vers le haut. Je suis entièrement autodidacte et on m’a souvent répété que le message envoyé aux femmes à travers ma carrière et mes accomplissements était celui de l’espoir.
Je pense que les femmes occupant des postes de direction doivent ouvrir la voie aux femmes en leur prouvant que l’égalité est possible. Chaque pierre apportée à l’édifice est précieuse!
Quels conseils aimeriez-vous partager aux femmes qui ont du mal « à faire leur place » ou qui craignent de la prendre?
La première idée que je donne, et qui tient une grande place dans mon ouvrage, est celui d’initier un travail personnel de déconstruction pour comprendre d’où viennent les injonctions qui nous conduisent à être si dures envers nous-mêmes, et qui nous empêchent de croire en nous et en nos capacités. Cela passe par la déconstruction de toutes les barrières mentales que les codes de la culture patriarcale ont érigées autour de nous, et par un retour sur les schémas traditionnels qui nous enferment dans des parcours tout tracés. Pour nous inspirer, nous devons connaître et reconnaître les noms des femmes qui ont construit notre monde. Les destins de Rosie la riveteuse, d’Hubertine Auclert, de Ruth Bader Ginsburg ou encore de Tara Burke doivent résonner en nous en tout temps.
Mon deuxième incontournable est de pratiquer la sororité comme une religion. À l’instar du challenge à succès #WomenSupportingWomen, largement partagé sur les médias sociaux, l’on se doit de respecter nos amies, nos collaboratrices, nos voisines, et ne pas entrer dans le jeu de la concurrence. La sororité nous rend plus fortes dans nos individualités et dénonce les vides laissés par la notion de fraternité. Le message principal est de faire sororité avec la fraternité — et non contre.
Ma troisième proposition s’appuie sur le développement de la confiance en soi, dont tous nos blocages dépendent. Au fil du temps, construire son assurance en osant multiplier les expériences hors de sa zone de confort. Le chemin est encore long quand on sait que récemment une start-up a dû inventer un co-fondateur homme pour intéresser les investisseurs… Mais la parole qui se libère de plus en plus dans nos sociétés, en ligne et dans la rue, permettra de faire évoluer plus rapidement les mentalités et d’apporter de la crédibilité à nos témoignages.
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