La responsabilité sociale des entreprises : une voie pavée pour la parité?
La responsabilité sociale d’entreprise (RSE) occupe une place grandissante dans les organisations. Voilà une excellente nouvelle pour les femmes, qui sont déjà très nombreuses à tenir le fort en ce qui a trait aux fameux critères ESG (environnement, social et de gouvernance). Leur positionnement pourrait leur servir de véritable tremplin vers les plus hauts sommets. Aperçu d’une transformation prometteuse.
Les défis ne manquent pas pour les entreprises : nouvelles technologies, crise climatique, enjeux d’inclusion et de diversité… Se pose aussi la problématique de la pénurie de main-d’œuvre, le tout sur fond de pandémie. Avouons-le, elles en ont véritablement plein les bras!
Force est de constater que nous nous trouvons dans une période charnière. Si les organisations veulent rester dans la course, elles devront se montrer agiles et créatives. Il leur faudra également s’assurer de tisser des liens forts avec la communauté et de maintenir une relation de confiance solide tant avec leurs actionnaires et leurs clients que… leurs employé.e.s.
Comment y parvenir? L’une des clés, selon de nombreux experts, serait de mettre au cœur de leurs priorités des valeurs fortes — en particulier les principes ESG — tout en se recentrant sur l’humain. Car la réussite passera grandement par la diversification des talents, le pilier S des ESG, et l’augmentation de la présence des femmes à tous les échelons. D’ailleurs déjà très présentes dans les postes reliés à la RSE, elles peuvent contribuer à une transformation du leadership en profondeur. Non seulement elles font partie intégrante de la solution, mais de nouvelles opportunités pourraient aussi se dessiner pour elles à l’horizon.
Attirer et retenir les talents féminins
La RSE joue un rôle croissant dans les stratégies organisationnelles. Et pour cause. Outre le fait qu’elle permet de répondre aux préoccupations des clients, de mieux connecter avec les communautés, et de combiner valeurs financières et éthiques, sa mise en œuvre contribue aussi à attirer et à retenir les talents. Les preuves s’accumulent à cet effet et un sondage réalisé en mai 2022 auprès de diplômées des différents parcours de formation de L’effet A confirme cette tendance. Ainsi, sur plus de 276 femmes sondées, essentiellement des professionnelles, des gestionnaires et des cadres supérieures, près de 62% indiquent qu’une mission d’entreprise forte alignée avec leurs valeurs constituerait un important facteur d’attraction. La priorité accordée à la mission et au positionnement de valeurs par rapport au salaire a aussi été mentionnée dans 79% des cas.
Enfin, pour près de 51% des répondantes, travailler et mettre son expertise au service d’une entreprise respectueuse des enjeux en lien avec la diversité, l’environnement et la communauté est le meilleur moyen d’avoir un impact significatif sur ceux-ci.
Jérôme Challo, responsable RSE-Europe de l’Ouest et du Sud chez CGI, confirme que les principes de responsabilité sociale et environnementale qui sont profondément ancrés dans la culture de la compagnie ont effectivement un effet notable sur le recrutement. «Notre engagement en matière de RSE est très élevé. Chez nous, la diversité et l’inclusion sont concrètes, nous les vivons au quotidien. Nous sommes d’ailleurs respectés et reconnus pour les valeurs que nous véhiculons», soutient-il, ajoutant que cela concourt à générer un vif intérêt de la part des candidat.e.s.
Cet attrait pour des entreprises actives et impliquées en RSE s’explique de façon logique. Pauline D’Amboise, secrétaire générale et vice-présidente, Gouvernance et Développement durable, qui pilote l’intégration transversale à l’échelle du Mouvement Desjardins des facteurs ESG, souligne qu’aujourd’hui, les citoyens et les organisations sont confrontés à un environnement hautement complexe et anxiogène.
Si on sent qu’une organisation œuvre à relever les défis reliés aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance, cela vient rejoindre nos valeurs et nos préoccupations et favorise, par le fait même, l’attraction des talents.
– Pauline D’Amboise, secrétaire générale et vice-présidente, Gouvernance et Développement durable, Mouvement des caisses Desjardins
Chez CGI, cette volonté de casser le moule se traduit aussi par une présence féminine accrue au sein des différentes directions. «À une certaine époque, on disait qu’une femme qui voulait accéder au comité de direction devait parler comme un homme. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Peu importe qu’on soit un homme ou une femme, chacun a son propre style, et c’est la diversité qui constitue la force d’une entreprise», assure-t-il.
De l’avis de Pauline D’Amboise, cette évolution a nécessairement un impact sur le leadership, dans la mesure où les organisations réalisent qu’elles ne peuvent plus se limiter à mesurer leur performance qu’à travers la lorgnette financière, l’extra financier (ESG) devient incontournable. «Il faudra donc revoir le profil des leaders et miser sur des individus qui ont une vision plus large, avec des habiletés marquées sur le plan des softskills et des compétences éthiques», dit-elle.
Les femmes à l’assaut des RSE
Les dirigeantes sont nombreuses dans les postes d’experts reliés à la RSE. Ainsi, la firme américaine de recrutement Weinreb-Group évalue qu’en 2021, aux États-Unis, la parité était atteinte dans ces emplois.
Mieux encore, selon la firme de conseillers en gestion Russell Reynolds, elles représentent pas moins de 70% des leaders RSE récemment embauchés. Inversement, selon Fortune 500, seulement 8,1% des postes de PDG étaient occupés par des femmes en 2021.
Qu’est-ce qui explique cette forte présence et cet engouement? La PDG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, soutient que la fonction RSE est à géométrie variable dans les organisations et que les femmes en étaient généralement titulaires. Pourquoi? «Parce qu’on leur confiait les rôles reliés à des segments “mous” de la gestion, comparés aux secteurs plus “durs” comme les opérations, la finance, l’exploitation, etc., qui historiquement étaient plutôt attribués à leurs confrères masculins», mentionne-t-elle.
Pour sa part, Pauline D’Amboise remarque que les femmes se démarquent dans leur capacité à gérer la complexité et à bâtir des ponts avec les différentes parties prenantes, un incontournable lorsqu’il est question de critères ESG. Ainsi, elles se sentiraient très à l’aise avec les nouvelles façons de faire en finance, notamment la finance responsable et les investissements verts.
Aux yeux de Sophie Brochu, les principes reliés à la RSE constituent par ailleurs un filtre décisionnel, une façon de penser particulière, le tout basé sur une structure horizontale et non pas verticale. «Dans ce domaine, on gère davantage par influence que par autorité, ce dans quoi les femmes sont très compétentes», fait-elle valoir.
Vers les plus hauts sommets
Pourquoi les entreprises sont-elles de plus en plus nombreuses à monter dans le train de la RSE? Parce qu’il est prouvé que les retombées positives sont multiples. Ainsi, une récente étude a démontré qu’une main-d’œuvre diversifiée à la tête des organisations assure une meilleure performance en matière de critères ESG, et que ces derniers sont aussi le gage d’une meilleure performance générale et pas uniquement sur le plan financier.
On réalise aujourd’hui que les choses que l’on croyait être accessoires — les enjeux reliés à la RSE — sont en fait fondamentales. Tout à coup, ces sphères ont pris une grande importance et connaissent une croissance rapide. Dans ce contexte, cela représente donc une belle opportunité pour les femmes, lesquelles étaient déjà très bien placées dans ce domaine.
– Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec
Autrement dit, du second plan, ces leaders féminines passent au premier plan. Mais faut-il s’inquiéter que la RSE devienne une chasse gardée «rose» et que les femmes se retrouvent, par une sorte d’effet pervers, cantonnées dans ces rôles? Pauline d’Amboise et la PDG d’Hydro-Québec estiment que cela ne sera pas le cas, car les hommes souhaitent désormais davantage investir ce champ d’activité. Sophie Brochu prédit même que l’arrivée des hommes devrait faire augmenter la rémunération offerte pour ce type de poste, alors que jusqu’à récemment, les entreprises n’étaient pas prêtes à mettre beaucoup d’argent sur la table…
Elle va plus loin et soutient que cette expansion pourrait leur ouvrir la voie aux plus hauts échelons des organisations. «C’est un véritable big bang que l’on connaît actuellement, qui va aussi entraîner un changement de mentalité et une évolution du leadership. Un développement heureux, qui permettra aux femmes de prendre du galon et d’accéder en plus grand nombre aux postes de direction et de PDG», espère-t-elle.
La fonction RSE constitue d’ailleurs un riche bassin de talents pour les entreprises qui souhaitent progresser en matière de diversité et atteindre la parité dans leur comité de direction et aux plus hauts postes décisionnels. En effet, œuvrer dans les domaines de la RSE requiert de détenir des compétences transversales et une expertise dans les volets à la fois opérationnels et stratégiques, ce à quoi les femmes auraient été davantage exposées dans leur cheminement professionnel.
Des chercheurs soutiennent aussi que réduire le déséquilibre hommes-femmes à la tête des entreprises améliorera les relations de ces dernières avec les différentes parties prenantes ainsi qu’avec les investisseurs institutionnels, lesquels se montrent de plus en plus rigoureux dans ce domaine. Pas de doute, pour les organisations, atteindre la parité est bien plus qu’un mariage de raison. Il s’agit d’une véritable solution gagnant-gagnant.
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