Carrière : votre discours interne est-il votre pire ennemi?
Ambitieuses, les femmes le sont. Pourtant, à peine deux ans après avoir intégré le marché du travail, leurs rêves d’avancement et de réalisation s’érodent à mesure que leur confiance plonge de 60%. Mais quels sont ces obstacles qui se dressent sur le chemin de l’ambition féminine? Helen Antoniou, avocate, autrice, coach en leadership et mère de trois filles, livre ses réflexions sur ce sujet qui la préoccupe.
Les embûches s’enchaînent sur la voie des femmes ambitieuses
Selon un sondage Léger sur l’ambition mené en 2016 pour L’effet A, les femmes professionnellement ambitieuses accordent un score équivalent à celui des hommes (7,9 sur 10 et 7,7 sur 10 respectivement) pour quantifier leur ambition. Une fierté bien assumée, principalement chez la relève. On doit l’admettre : l’ambition des femmes n’est pas en cause dans leur difficulté à réaliser leurs aspirations.
Pour autant, plusieurs obstacles usent leurs forces. Depuis longtemps, on évoque les biais de perception (ou biais inconscients), qui nuisent aux femmes ambitieuses dès l’embauche. À cause de ces mêmes biais, il arrive encore que les professionnelles qui ont de fortes aspirations soient mal perçues : la femme combative est accusée d’être carriériste ou agressive, alors que l’homme ayant des comportements semblables sera qualifié positivement de fonceur.
Autre frein non négligeable, selon Helen Antoniou, le perfectionnisme qui teinte largement la manière des femmes d’aborder leurs tâches : «Quand on y réfléchit, on réalise qu’il y a là [entre autres choses] un lien avec la peur de déléguer, car on craint que le travail ne soit pas bien fait. Mais plus on gravit les échelons dans une organisation, plus on doit accepter l’idée qu’on ne peut pas tout faire soi-même.»
En outre, ajoute la coach en leadership, les femmes portent de nombreux chapeaux, ce qui compromet les occasions de nourrir leur réseau. «Il y a certainement un progrès tangible quant au partage des tâches, mais ça continue d’être très exigeant pour les femmes de concilier leurs diverses responsabilités dans les multiples sphères de leur vie. Et on sait que les conversations informelles, auxquelles il est plus difficile pour elles de participer, sont souvent le lieu des décisions», affirme avec lucidité Helen Antoniou. Il s’agit d’un enjeu qui ne risque pas de se résorber avec le travail à distance. «En un sens, le télétravail est formidable, puisqu’il favorise la conciliation travail-famille. Par contre, le bureau demeure le centre décisionnel. Il y a tant de choses qui se disent avant ou après une rencontre d’équipe, ou en se croisant dans le couloir! En ne participant aux réunions qu’en mode virtuel, on se coupe de ces occasions de créer des liens, de prendre part aux discussions spontanées et de saisir certaines opportunités», souligne Helen Antoniou, qui insiste sur l’importance d’en prendre conscience et d’y réfléchir.
La quasi-absence de modèles féminins inspirants, le manque d’opportunité et de reconnaissance sont autant d’enjeux qui nuisent considérablement à l’avancement des femmes. Mais au-delà de ces éléments systémiques que la coach observe sur le terrain – et auxquels il est impératif de s’attaquer –, elle croit que l’un des principaux écueils entravant l’ambition chez les femmes s’enracine dans le discours interne.
Le discours interne : quand «la petite voix» s’en mêle
Helen Antoniou croit que l’ambition est d’abord ancrée dans un temps de réflexion incontournable et nécessaire. Une introspection qui permet de mieux comprendre qui l’on est et où l’on va, de solidifier sa confiance et de développer positivement son discours interne – cette petite voix qui nous nargue parfois, et nous empêche de foncer vers la réalisation pleine et entière de nos aspirations. C’est un processus exigeant qui demande de la pratique, prévient-elle, mais grâce auquel on réussit à mieux définir et assumer ses priorités à toutes les étapes de sa vie. En effet, chaque période de l’existence nous force à revoir ce qu’on souhaite prioriser : sa carrière, sa famille, son couple, sa communauté ou toutes autres ambitions personnelles. «Être pleinement consciente des possibilités qui s’offrent à nous [et de nos choix] évite le découragement et la fatigue provoquée par une surcharge lorsque l’on mène tout de front.» C’est grâce à cette conscience de nous-même que nous conservons le contrôle de notre vie et évitons de sombrer dans la culpabilité.
Insistant sur le fait que le discours interne est la base qui permet de développer son propre pouvoir, la coach ajoute qu’il apporte également un éclairage nouveau sur certains freins évoqués plus hauts : les biais de perception ne sont pas uniquement présents dans l’espace commun. Il arrive d’en avoir face à soi-même! «Le cerveau humain retient davantage ce qui paraît négatif et inquiétant, c’est un réflexe de survie nous alertant des dangers potentiels. Ainsi, face à un défi qui nous effraie, la première étape consiste à s’observer, et à identifier la perception que l’on a de nos compétences et de notre expérience : nous sommes souvent notre pire ennemie!», prévient Helen Antoniou. «L’introspection permettra de mettre en relief nos perceptions négatives par des contre-exemples», ajoute-t-elle. Ce qui nous permettra de renforcer positivement notre discours interne et de dompter cette petite voix : «Je suis un peu moins solide dans telle situation, mais j’ai mené avec succès tel et tel projet; bien entourée, je pourrai y arriver!»
Parce qu’il est parfois nécessaire de nourrir notre discours interne de points de vue extérieurs, il faut savoir se tourner vers son réseau, comme l’explique Helen Antoniou. «C’est essentiel de choisir les gens qui sauront nous conseiller, nous encourager, nous aider à évoluer dans la direction que l’on désire. Cela va des amis au coach, en passant par le ou la mentor. Pourquoi se limiter?», s’exclame-t-elle, ajoutant qu’il ne faut pas hésiter à cogner aux portes. «Osez! Il y a des personnes qui ont eu des carrières prolifiques et qui, en bout de parcours, aspirent à redonner, à partager.»
Quand le discours interne propulse le plein potentiel
On le comprend bien, le discours interne déploie le potentiel des personnes qui ont une solide connaissance d’elles-mêmes, doublé d’une bonne confiance en soi. Il les enracine lors des secousses nombreuses et inévitables qui parsèment tout parcours professionnel. Pour l’illustrer, Helen Antoniou évoque avec enthousiasme la finale (au tennis) des Internationaux des États-Unis à New York, le 11 septembre dernier, où Leylah Annie Fernandez, cette jeune joueuse de Laval, au Québec, a dû s’incliner face à la Britannique Emma Raducanu. «Dès les premières balles, elle ne réussissait même pas à retourner les services. Mais elle a gardé sa force mentale! Avec calme, elle est demeurée centrée sur son ambition de gagner, a fait courir son adversaire, tentant de lui faire perdre ses moyens.» Malgré sa défaite, l’athlète a demandé un micro pour s’adresser à la foule et exprimer son admiration devant la résilience de cette communauté new-yorkaise qui célébrait ce jour-là les 20 ans du triste anniversaire du 11 septembre 2001. «Quelle clarté d’esprit! Alors qu’elle venait de perdre et qu’elle s’inscrivait deuxième malgré son ambition d’être championne, elle a surpassé son propre objectif et s’est tournée vers les autres. Bien que déçue de l’issue du match, elle n’était pas ébranlée dans ce qu’elle est profondément.» Voilà la force du discours interne et le courage de l’ambition. La meilleure base pour réaliser ses plus grandes aspirations… et surmonter de nombreux obstacles!
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